Vous avez aimé les scandales de l’amiante et de la vache folle ?

Vous allez adorer celui du diesel. Comme si nous assistions à un mauvais remake, médias et politiques nous refont le coup de la surprise, tentant de faire croire au bon peuple crédule que les pics de pollution que nous vivons n’étaient pas prévisibles. Menteurs et irresponsables.

Depuis de nombreuses années, en effet, ils savent que le diesel émet des particules qui pénètrent dans nos poumons et nous tuent à petit feu. Ils sont au courant des études affirmant que ce carburant contribue aux 42 000 morts prématurées par an.

Ils savent aussi que le diesel est une technologie sciemment favorisée en France, à seule fin d’aider le constructeur automobile Peugeot à vendre ses voitures à moindre prix. L’automobile n’est pas la seule source de particules fines. C’est vrai. Mais elle en représente environ un quart et le diesel en est la source principale

Ils savent encore que le diesel est condamné par la majorité des autres pays depuis très longtemps : 30% de voitures fonctionnent au diesel en Allemagne, 1% au Japon, pratiquement pas aux Etats-Unis et en Chine.

Si l’on ajoute les camions et camionnettes, c’est 72,4% du parc français qui est diesel, sachant que 80% du carburant vendu en France est du gasoil.

En fait, le piéton, le cycliste et l’utilisateur de véhicule à essence paient pour compenser les ristournes fiscales accordées au gasoil, ainsi que le surcoût dû aux importations pour les utilisateurs de véhicules diesel.
Des gaz « cancérigènes certains »

Ils savent que, depuis le 12 juin 2012, le Centre International de Recherche sur le Cancer, l’agence de l’organisation Mondiale de la Santé, a classifié les gaz d’échappement des moteurs diesel dans la catégorie « cancérigènes certains » – la même que l’amiante ou le tabac – à cause de la dangerosité des « toutes petites particules » émises lors de la combustion du gasoil.

Ils savent que, le 19 mai 2011, la commission Européenne a assigné la France en justice pour non respect des seuils de particules, imposés depuis 2005. A noter que la France est une dangereuse récidiviste des condamnations pour non-respect des réglementations sur la pollution de l’air.

« Nous n’avons plus d’autre choix que d’interdire l’accès de certaines agglomérations aux diesels les plus polluants », nous rappelait Isabelle Derville, responsable de la qualité de l’air au ministère du Développement durable et des transports, dans « Sciences et vie » d’avril 2012.

Ils ne peuvent donc pas dire : « Nous ne savions pas », et nous refaire le coup de l’amiante en se cachant derrière une controverse ouverte par des chercheurs au service des lobbies du diesel et de l’automobile.
Comme au temps du Général de Gaulle

Et pourtant, les « sachants » qui nous gouvernent viennent d’administrer une nouvelle fois la preuve de leur impuissance. Ils ont laissé licencier les ouvriers de PSA et sont intervenus pour entrer dans le capital de cette entreprise, avec le constructeur chinois Dong Fen, sans peser de tout leur poids pour un changement d’orientation de cette entreprise.

Préférant les raisons économiques à la précaution sanitaire, le gouvernement continue à tout miser sur le diesel, comme au temps du général De Gaulle.

Résultat : la France est le seul pays au monde où 60% du parc automobile marche au diesel. Encore une « exception » devenue une menace pour l’ensemble de la population, à l’instar de celle que fait peser le risque nucléaire, autre « exception » dont la France est si fière.

Dès lors, on ne peut que comprendre et soutenir les associations écologiques qui viennent de lancer une plainte contre X pour dénoncer ce double crime environnemental et sanitaire.

Qu’a fait le gouvernement depuis mai 2012 ? Le 6 février 2013 un comité interministériel décide… de ne rien faire ! Aujourd’hui, devant l’urgence sanitaire, on répond par des bricolages de dernière minute, tout en sachant que c’est trop peu et trop tard.
Des rustines, jamais adaptées

On demande aux personnes âgées, aux populations à risques, aux petits enfants, de rester chez eux. On alimente la peur, sans interdire la circulation pour marquer les esprits. C’est que, à une semaine des élections municipales, il ne faut pas contrarier l’électeur automobiliste.

On limite la vitesse, ce qui est une bonne chose, mais avec dix jours de retard.

Les transports gratuits ne peuvent pas réduire le pic de pollution, puisque la grande majorité des habitants d’Ile de France, qui se rend ou circule à Paris, possède un passe Navigo.

Si la circulation alternée permet de réduire ce pic, elle intervient dans des conditions qui vont prouver, comme en 1998, son inefficacité en temps réel. Malheureusement, les Parisiens retiendront qu’on applique dans la précipitation, l’improvisation, l’impréparation.

Des recettes qui ressemblent plus à une querelle interne à la majorité, entre les Verts et les socialistes, qu’à des mesures structurelles que le gouvernement ne veut pas prendre en raison des intérêts en jeu pour les lobbies.
« L’écologie, ça commence à bien faire »

De ce point de vue, la présence des écologistes au gouvernement est cosmétique. Elle ne fait que souligner leur impuissance à changer le cours des choses par des mesures structurelles.

En dix-sept ans – depuis la journée de circulation alternée inventée par Corinne Lepage – sous un gouvernement de droite et appliquée par Dominique Voynet, sous un gouvernement de gauche, ce que les Verts présentent comme une victoire n’est qu’un effet d’affichage qui ne règlera rien. La politique de la rustine a fait son temps.

Pourtant, depuis mai 2012, il était possible de construire une proposition de sortie progressive du diesel – comme l’avait fait la Fondation Nicolas Hulot à la veille du vote du budget – qui ne serait pas considérée comme punitive :

Pourquoi, à l’instar du tabac, n’interdit-on pas les publicités pour le diesel ?
Pourquoi n’a-t-on pas distribué les licences des taxis en fonction de leur choix de carburant ?
Pourquoi n’a-t-on pas décrété un bonus-malus contre les particules et envisagé une prime à la casse pour les voitures anciennes ?
Pourquoi n’a-t-on pas interdit la circulation aux véhicules diesel dans les centres ville, comme à Paris ?

En fait, après avoir choisi de donner la priorité à la compétitivité des entreprises, le gouvernement est en train de reprendre l’adage de Nicolas Sarkozy en son temps : « L’écologie, ça commence à bien faire »… Et la santé aussi !
Un comité national contre la « diésélisation »

J’entends déjà les défenseurs du « Progrès » et de la « compétitivité » traiter les écologistes de Don Quichotte qui ne comprennent rien au fonctionnement de la société et à nos institutions.

Le chevalier à la triste figure avait l’avantage sur nos petits marquis et duchesses contemporains de susciter l’espoir. Nos nouveaux aristocrates suintent la désespérance. Pire, ils ne s’aperçoivent pas qu’ils sont au service des marchands de mort.

Nous leur disons : arrêter le diesel est possible. Désintoxiquons nous de cette drogue à la française. Instituons un Comité national contre la diésélisation, comme il y a un Comité national contre le tabagisme.

La sortie de la diésélisation constitue la seule issue positive de ce brouillard de pollution qui encrasse nos poumons et irrite nos gorges, nos yeux et nos oreilles depuis une semaine.

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